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Suites impériales - Bret Easton Ellis

Les critiques dithyrambiques de Beigbeder sur les livres précédents de Bret Easton Ellis auraient dû m'alerter, mais je voulais tenter l'expérience.

Je n'avais lu aucun de ses livres, et malheureusement je pense être tombé sur le plus mauvais. Du moins je l'espère pour l'auteur. Comme tout le monde, j'ai vu et apprécié American Psycho, plus pour son intrigue que par lecture du désabus de je ne sais quelle catégorie social de golden boy dont personne n'a vraiment envie d'entendre parler.

Suites Impériales donc, c'est une sorte de Moins que Zero 2, le retour. Ellis reprend les personnages de son tout premier roman et les rebalance 20 ans plus tard dans le même univers.

Je ne sais pas si l'intérêt du livre est censé reposer sur les personnages ou sur l'intrigue, mais quelle que soit la réponse, c'est un échec des plus total. Le héros n'est qu'un pauvre type en manque d'attention, manipulable, et moins malin qu'il ne semble le croire. Mais il ne s'en rend jamais compte. Ou tout du moins, il s'en fout complètement. Rain, sa "compagne", est une mauvaise actrice qui couche pour réussir, Trip, un homme de la nuit malsain et dangereux, Julian, un junkie qui enchaine les mauvaises décisions et s'enfonce toujours un peu plus dans sa misère, et son ex, une libertine plus perverse qu'on ne semble le croire au premier abord. Un ramassis de cliché qui n'ont même pas le bon goût d'évoluer d'un iota durant le récit. On débute avec des caricatures de personnages, on termine avec des caricatures de personnages.

L'intrigue : Clay, le héros, fait passer un casting à Rain, et comme il la trouve vraiment très sexy, il profite de sa position pour coucher avec elle. Mais attention! Rain est peut-être en train de le manipuler! Autour de ça, une mystérieuse voiture qui suit Clay et des SMS anonyme digne d'un harcèlement de collégiens en manque d'aventure. Et puis aussi une sombre histoire de meurtres. Perpétrés par des mexicains. Parce que c'est plus flippant quand c'est des mexicains.

Et puis il y a le style. Je ne sais pas si la traduction a été fait à la truelle ou si la version originale était écrite sous gueule de bois, mais on a parfois l'impression de lire une liste de course.

Je passe lentement devant l'appartement et je prends une allée un peu plus bas dans la rue, et je me gare à un emplacement non autorisé, laissent le moteur tourner, et je ne sais pas quoi faire - toute pensée logique s'est éclipsée - mais je parviens à sortir de la BMW et à traverser la pelouse en direction de l'immeuble et il continue de pleuvoir mais je m'en fiche, et l'appartement de Rain est au rez-de-chaussée du petit immeuble de deux étages, et toutes les lumières de l'appartement sont allumées, et Rain arpente la salle de séjour, au téléphone, en train de fumer une cigarette, et je me tiens à distance de la fenêtre, hors du champ de la lumière, et Rain porte une sortie de bain et son visage est gonflé et débarrassé de tout maquillage, et sa beauté est momentanément effacée et, en dépit de la panique qui infuse l'appartement, les bougies ont tout de même été allumées et je ne peux rien entendre à l'exception d'une porte qui claque et Rain, alors, raccroche et Amanda fait son entrée et je n'entends pas un mot de ce qu'elles se disent (....)

Et ça continue comme ça pendant encore une demi-page. Bon, on peut y voir une tentative de faire passer un flot de pensées ininterrompu et incontrôlé, une situation qui échappe totalement au narrateur. On pourrait. Si ce type de litanie primaire n'était pas réutilisé toutes les 3 pages. Au 4ème paragraphe du genre on en peut déjà plus. Malheureusement, ils sont encore nombreux à nous attendre sournoisement au détour d'une page.

J'aurais pu avoir fait le tour des qualités de ce livre si un passage complètement ahurissant et inutile ne s'était pas glissé à l'entame de sa conclusion. Avant de nous dire au revoir, Clay s'organise une orgie avec deux jeunes provinciaux venus à LA pour devenir acteur. Une orgie qui tourne parfois à la torture physique et à l'humiliation. C'est violent, malsain, et n'apporte pas grand chose. A part nous montrer qu'en terme de perversité, Ellis manque un peu d'imagination.

Ce passage résume en fait très bien le récit. Dans les années 90, un tel livre passait peut-être pour subversif, je n'en sais rien, à l'époque j'étais à l'école et je lisais des classiques. Mais en 2010, sortir un livre pareil c'est crier à la gueule du monde qu'on n'a rien de plus intéressant à dire qu'une star de la télé-réalité à la recherche d'une reconnaissance sociale qui ne parviendra jamais à combler ses attentes.

Tag(s) : #Bret Easton Ellis Suites Impériales Suite(s) Impériale(s) critique
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